DECLARATION DE IAN MCKELLEN
DANS UN EXTRAIT DU "GREY BOOK"

(Traduction Tsoo'Dzil)



Ian McKellen
Toronto, 14 octobre 1999.
 

"Ainsi, le voyage a commencé sans moi. Le lundi 11 octobre, Elijah Wood et les autres se sont rassemblés à Hobbitebourg -- et j’ai entendu dire qu’ils étaient sages. J’étais à Toronto en train de parader dans le personnage de Magneto, le maître des magnétiseurs, sur l’épisode des X-Men de Bryan Singer. J’ai juste envoyé un email à Peter Jackson pour lui souhaiter bonne chance. Je sais à quel point un tournage peut-être totalement prenant et je n’attends donc pas de réponse immédiate.

Pendant ce temps, les fanatiques de Tolkien envoient des courriers au Grey Book (le Livre Gris). Des conseils, des demandes et des avertissements parviennent de la part d’adolescents mais aussi de lecteurs aussi vieux que des magiciens peuvent l’être, tous ces gens ayant en commun l’espoir que Gandalf dans le film corresponde à leur interprétation individuelle du Seigneur des Anneaux. Je trouve un certain réconfort dans le fait qu’ils approuvent unanimement le choix des acteurs (pas seulement moi mais tous les comédiens qui ont été officiellement annoncés jusqu’à maintenant - excitante nouvelle que celle de Cate Blanchett qui va nous rejoindre !). Néanmoins comment puis-je donner satisfaction à la manière dont chaque lecteur a imaginé Gandalf ? C’est bien simple, je ne peux pas !

Bien sûr, je suis conscient de ma responsabilité. Ce n’est pas comme si Le Seigneur des Anneaux était une pièce de théâtre qui pourrait être reprise sans cesse, chaque nouvelle distribution apportant sa contribution aux trouvailles faites par ses prédécesseurs. La trilogie de Jackson sera unique. Après tout, il est très peu probable qu’un remake puisse être fait dans un avenir proche, bien qu’il y ait déjà eu un dessin animé "Le Hobbit" (que je n’ai pas encore vu) et une émission de radio de la BBC "Le Seigneur des Anneaux" (d’ailleurs c’est Ian Holm qui fait la voix de Frodon). Mais certains de mes correspondants ont l’air de croire que les acteurs sont des essayistes ou des critiques qui analysent les complexités d’un personnage et ensuite jouent leur rôle, comme on pourrait s’affubler d’une fausse barbe. Ce n’est pas aussi simple.

Il est indispensable de répéter que, comme pour Richard III ou James Whale ou Magneto, je dois découvrir Gandalf quelque part en moi-même, et ce processus dépend de la manière dont je serai capable de digérer les mots du script et de son histoire, en écoutant les réactions du metteur en scène et en donnant la réplique aux autres acteurs de l’équipe. Ainsi, en ce moment, après trois mois d’absence du tournage (en ce qui me concerne), "mon" Gandalf n’a pas d’existence, même pas en pensée. Il prendra vie au moment même où la caméra se mettra à tourner et où son essence même sera divulguée. Même en plein coeur du tournage, en costume, maquillé et parlant avec les mots de Tolkien, je ne suis pas sûr que je serais capable de vous décrire ce personnage. Les acteurs ne décrivent pas, ils habitent leurs personnages.

C’est pourquoi les notes contenues dans ce Grey Book me concernent probablement davantage que Gandalf lui-même et risquent de décevoir les experts qui doivent prendre patience et attendre que les films soient terminés. Je suis vraiment désolé que 2001 semble si loin

J’ai cependant connaissance de deux ou trois choses dignes d’intérêt.

J’ai fait des essais de quelques projets de costumes réalisés par les designers de Ngila Dickson, et Peter Owen, dont les ateliers à Bristol (Royaume Uni) doivent s’occuper des perruques, m’a mesuré la tête. Il est venu chez moi à Londres alors que je revenais juste d’une visite en août à Wellington où se trouvent les studios du Seigneur des Anneaux.

D’une certaine manière c’est une chance qu’il y ait eu aussi peu d’illustrations du roman, qui auraient pu affecter les yeux des lecteurs. Sinon, nous aurions pris le risque de nous faire piéger en les copiant tout simplement. Une illustration de Gandalf en deux dimensions qui rend bien sur la couverture d’un livre pourrait se révéler impossible à reproduire pour un acteur en chair et en os. Ngila, Peter et moi-même avons plutôt commencé comme Tolkien l’aurait fait, avec "un chapeau bleu, haut et pointu, un long manteau gris et une écharpe argentée, une grande barbe blanche", mais à quelle taille correspond le mot "grand", à quelle longueur doit s’arrêter un long manteau, et dans le vent qui souffle en Nouvelle-Zélande, à quel point "des sourcils broussailleux qui dépassent au-delà du bord de son chapeau" sont-ils pratiques ?

La réponse à ces questions, ainsi qu’à d’autres bien plus énigmatiques est du ressort des designers et de leurs équipes d’artisans qui se sont entraînés depuis deux ans dans les ateliers de WETA (créateurs d’effets spéciaux en Nouvelle Zélande) à Wellington. J’ai vu le résultat de leurs réflexions et j’ai été subjugué. Leur travail sur les masques, les armures, les armes est presque terminé, et complète parfaitement celui des spécialistes des effets spéciaux qui vont mettre en valeur les paysages de Nouvelle Zélande. D’ores et déjà, le problème consistant à faire voir les hobbits à la taille qui est leur propre, est réglé grâce à de nombreux moyens, dont la plupart sont trop complexes pour ma propre compréhension. Ils savent si Gollum sera un acteur, une poupée, un effet d’ordinateur ou les trois à la fois. Ils ont conçu Hobbitebourg et l’ont construit il y a un an, pour que le village soit patiné par les intempéries et ont laissé poussé la végétation autour.

Quand j’étais enfant, j’étais fasciné par les livres concernant la magie au cinéma et au théâtre, et c’est pourquoi j’ai beaucoup de sympathie pour ceux qui veulent par avance avoir des renseignements sur les magiciens du Seigneur des Anneaux. Ce sera à Peter Jackson de décider si les secrets doivent être rendus publics, et quand."