INTERVIEW DE SEAN ASTIN

(Traduction Tsoo'Dzil)




John Forde, E!Online
1er août 2000
 

Sean Astin s'est beaucoup baladé ces derniers temps, en amure orc en descendant les berges de rivières, à travers des chaînes de montagnes rocailleuses chaussé de prothèses hobbits, et dans des va-et-vient en direction de la tente-cuisine afin de prendre les proportions nécessaires pour le rôle de Sam Gamegie.

Astin, jouant un Sam humble et corpulent (le yin complémentaire du yang que représente Frodon, mais également son fidèle compagnon dans leur voyage aller et retour jusqu'à la Montagne du Destin), a la responsabilité d'interpréter un personnage qui tout au long de la trilogie du Seigneur des Anneaux, se métamorphose d'un simple jardinier en un héros de guerre expérimenté.

Cela représente un énorme épanouissement personnel, même pour un Hobbit. Mais rien que Astin ne puisse gérer. Il vient du milieu après tout. Il a grandi dans la sphère d'Hollywood. Fils de Patty Duke (The Miracle Worker, The Patty Duke Show) et de John Astin (le personnage de Gomez dans La Famille Adams), il a survécu en son temps au fait d'être une star alors qu'il n'était qu'un enfant dans les années 80, surtout remarqué dans le film de Steven Spielberg Les Goonies. Dans la foulée, il fut la vedette de "Rudy and Bulworth", et marqua d'une encoche son passage à la mise en scène (qui fut récompensé par un Oscar) pour son court métrage "Kangaroo Court".

Aujourd'hui à 29 ans, heureux dans son mariage, père d'une petite fille, Astin se tient prêt pour un coup d'accélérateur dans sa carrière, au cas où le Seigneur des Anneaux devienne ce qu'on attend de lui. Nous avons rencontré Astin sur un site de tournage juste avant qu'il ne s'envole pour Los Angeles pour un mois de vacances.

Question: Vous en êtes à la moitié du tournage maintenant, alors quel le bilan ? Qu'avez-vous fait ? Et que reste-t-il à faire ?

Réponse: Je crois que j'ai été partout. On était dans la Comté en janvier, nous avons été à l'intérieur de la Crevasse du Destin, nous sommes aussi allé au Col de Kathhardrath (curieuse orthographe, je pense qu'il veut dire Caradhras, ndt), dans la Lothlorien, dans les marécages de Mordor... Je n'arrrive pas à croire qu'il reste encore quelque chose à filmer [rires]... Malgré tout, il reste encore les scènes concernant Shelob (Arachne, ndt) et celles qui se passent dans Hobbitebourg.

Q: Qu'est-ce qui vous a le plus attiré dans ce projet ?

R: Mon père a travaillé avec Peter Jackson sur le film "The Frighteners" et il est retourné aux Etats-Unis après sept mois de travail avec des éloges délirantes sur Peter et sa co-scénariste Fran Walsh, sur leur travail, et l'expérience que lui avait procuré un tournage aussi long en Nouvelle Zélande. J'ai gardé de ces récits l'image d'une expérience de travail idéale.

Q: Comment vous êtes-vous retrouvé embarqué dans cette aventure ?

R: J'étais en train de conduire sur une autoroute à Los Angeles, et mon agent m'a appelé sur mon portable, et il m'a dit: "Peter Jackson est en train de tourner Le Seigneur des Anneaux......en Nouvelle Zélande". Et je n'avais jamais lu le livre, malgré deux diplômes en Histoire et en Anglais à U.C.L.A. (Université de Los Angeles), alors j'ai littéralement fait demi-tour sur l'autoroute, en essayant de ne tuer personne, et j'ai foncé chez Barnes and Noble (une chaîne de librairies aux Etats-Unis, si vous n'y avez jamais été, c'est quelque chose à voir pour un amateur de livres) où j'ai acheté la trilogie. Après l'audition, j'ai envoyé une lettre à Peter Jackson en lui disant que j'avais l'impression qu'il s'agissait de l'expérience d'une vie entière et que je désirais plus que tout en faire partie.

Q: Qu'est-ce qui vous a attiré dans le personnage de Sam ?

R: Sam est la personnification (je devrais dire "l'hobbitification") du bien et de la loyauté. Il ne parle pas tellement, il n'est pas comme Gandalf, Frodon ou Saroumane, on ne peut pas le comparer au niveau du langage avec de tels poids lourds. Mais Sam est toujours présent, et éternellement fidèle à Frodon. Ce n'est pas quelque chose de très courant dans notre société actuelle.

Q: Certains journalistes ont critiqué cet aspect du roman de Tolkien, le fait qu'il ait fait d'un travailleur de classe inférieure un héros.

R: Oui, c'est certainement dans le livre, mais je pense qu'il y a beaucoup de choses qu'on peut admirer en lui. Sam n'est pas un serviteur ou même un esclave, et pourtant il est prêt à mourir pour Frodon, et il prend soin de tous les petits détails de leur vie quotidienne, il prépare les repas, il fait en sorte que toutes choses soient en ordre. Alors que Frodon est occupé à des réflexions hautement spirituelles concernant les buts de la quête, Sam nettoie derrière lui, et prend en charge tous les détails.

Q: A votre avis, pourquoi Sam résiste-t-il au pouvoir de l'Anneau ?

R: Chaque lecteur du Seigneur des Anneaux a probablement un point de vue différent sur cette question. Pour moi, la réponse est dans une certaine simplicité du personnage. Il est très facile d'ignorer la simplicité, qui est d'ailleurs souvent confondue avec la stupidité. Mais Sam s'engage dans une implication et une loyauté étonnantes. Il est parfaitement conscient de ce que Frodon doit affronter, et il est terrorisé par les dangers qui accompagnent la quête, mais il est collé à Frodon et reste fidèle quoi qu'il arrive. Je ne crois pas qu'il soit infaillible car n'importe qui peut être victime des forces des ténèbres liées à l'Anneau, mais il a une force intérieure, et jamais il ne cède à la tentation du Mal, même lorsqu'il doit faire face à la mort. C'est ça que j'aime en lui.

Q: A quoi est-ce que ça ressemble de faire le voyage de Sam dans le film ?

R: Au départ c'est un simple jardinier timoré, et il finit par devenir Maire de Hobbitebourg. Frodon et Sam sont tous deux contraints de se rendre, physiquement et émotionnellement, dans des endroits qu'aucun d'eux n'auraient jamais pu imaginer. Leur réelle personnalité profonde se trouve révélée dans cette expérience. Frodon est un agneau qu'on emmène au sacrifice. Il sacrifie une partie de lui-même ainsi que son innocence pour préserver le monde idéal qu'est la Comté. A la fin du film, Sam possède une sagesse que seule l'expérience peut procurer, et une lassitude du monde qui va l'accompagner tout le reste de sa vie, en tant de patriarche de Hobbitebourg.

Q: Il semble avoir également une passion pour les Elfes ?

R: Oui ! Frodon est curieux de tout ce qui concerne le monde extérieur, mais Sam, pas tant que ça. Sa curiosité est entièrement tournée vers les Elfes. Il a entendu des histoires à leur sujet racontées par Gandalf, mais il n'en a jamais vu. Pour cette raison, l'idée d'abandonner la Comté pour aller voir des Elfes est très attirante. Mais il est également effrayé par tout un tas de choses, comme de son ombre ou du fait qu'un magicien puisse le transformer en.....

Q: en Yuppie ?

R: Oui exactement. Frodon est capable d'aider Sam à avancer dans cette aventure, mais Sam est là uniquement parce que pour rien au monde il n'abandonnerait Frodon. Ils ont besoin l'un de l'autre pour mener la quête à son terme. Tolkien semble avoir beaucoup d'admiration pour les petites gens. Et ce sont finalement les Hobbits, la plus petite race des Terres-du-Milieu, qui tiennent la distance dans cette aventure. Peter Jackson m'a souvent remis en mémoire le fait que Tolkien râlait souvent contre la révolution industrielle, qu'il trouvait que toutes ces cheminées pleines de fumée et ces machines polluaient le monde et le rendait surpeuplé. Je crois que Tolkien aspirait à un univers pastoral habité par des gens simples. Malgré tout, si cela n'avait tenu qu'à Sam tout seul, il serait probablement mort. Le combat contre les forces du mal nécessitait en plus des Hobbits la complémentarité des Elfes, des Magiciens, des Nains et des Humains.

Q: Comment est-ce de travailler avec Jackson ?

R: J'apprends énormément. Il a cette qualité qui lui permet d'être incroyablement concentré tout en étant réellement détendu. Ce n'est pas le genre à rester vautré dans un fauteuil avec une piña collada. Il est très touche-à-tout. Il s'empare littéralement de la caméra, la jette sur son épaule et s'allonge par terre dans la poussière ou alors saute par dessus un obstacle. Il est éternellement aussi couvert de poussière que n'importe qui d'autre sur le tournage.

Q: Il a l'air de beaucoup encourager la collaboration.

R: Peter veut avant tout pouvoir avoir confiance, et il attend des gens qu'il a engagés qu'ils arrivent au travail avec beaucoup d'intuition et des idées. Il nous encourage à diriger nous-mêmes nos doublures à l'échelle hobbit, pour être sûrs que leurs postures, le langage de leur corps et leurs mouvements soient les mêmes que les nôtres. Ca devient plus qu'un simple travail d'acteur, vous avez l'impression de faire partie d'une grosse machine en mouvement. Il sait qu'il va finir par arriver à réaliser ce qu'il veut faire, et que tous les gens qui travaillent avec lui vont faire en sorte que ce projet soit mené à terme.

Q: Quels genress de contraintes physiques devez-vous supporter ?

R: Et bien, il faut que je mange beaucoup. On m'a dit qu'il fallait que je prenne du poids pour jouer ce personnage, parce que les Hobbits ont tendance à ...

Q: L'embonpoint ?

R: Je préfère dire une forte corpulence plutôt qu'embonpoint. Peter suggère sans cesse que je mange plus. "Un peu plus de hachis parmentier pour Monsieur Astin s'il vous plaît ! Un autre dessert pour Sean !" Et supporter plus de poids sur son corps est une contrainte physique. J'ai hâte d'être de retour à Los Angeles et de commencer les exercices de Jane Fonda.

Q: Et à propos des prothèses pour les pieds des Hobbits ?

R: Il nous arrive souvent de courir et de faire des randonnées et ces pieds sont absolument remarquables. Ils épousent parfaitement la forme de nos pieds, ils sont confortables et ils sont solides. Bon, en même temps, ils sont encombrants. C'est une véritable épreuve de courir en montée ou en descente dans des terrains inégaux ou plein de cailloux. Pour atteindre le sommet des montagnes, on se fait emmener en hélicoptère. C'est quand même plus prudent de tâcher de ne pas se tordre une cheville ou de se froisser un muscle à l'aine.

Q: Comment gérez-vous le fait de tourner les trois films en même temps ? Et comment arrivez-vous à vous tenir au scenario de l'histoire ?

R: On peut avoir pas mal d'indices grâce aux costumes. Si on vous prépare un manteau tout mignon et propre, vous vous dites "super, on va tourner dans un merveilleux paradis Elfe aujourd'hui", ou alors en entrant dans la loge de l'habilleuse on voit pendus des guenilles en lambeaux, et vous vous dites "bon ok, le moment est arrivé d'être crasseux et à moitié mort de faim en Mordor !" Peter a tout le déroulement des scènes répertorié dans sa tête, donc il ne s'agit que de ce concentrer sur la scène qu'on va tourner et d'apporter à son personnage les subtilités et les nuances nécessaires à ce moment-là.

Q: Est-ce qu'il est important de s'investir dans des trucs hors de l'univers de Tolkien ?

R: C'est absolument impératif. Je me suis mis à lire, du genre un livre tous les trois jours, et Elijah Wood m'a emmené faire des courses dans une boutique de CD. Vous savez, je suis un mec marrié et donc plus du tout branché, mais là grâce à lui maintenant j'écoute du Ween ou du Travis ou du Björk.

Q: Je suppose que ça fait quand même une sacrée longue période loin de chez soi ?

R: Oui, mais ma femme et ma fille sont ici avec moi, donc c'est un grand luxe. On prévoit de passer pas mal de temps ici et de voyager dans la région. Ma fille va à l'école ici en Nouvelle Zélande, donc c'est super. La Nouvelle Zélande est un des pays les moins abîmés de la planète et pourtant il est dans la compétition internationale en ce qui concerne ses marchés. Quatre millions de personnes et soixante-huit millions de moutons peuvent faire pencher la balance économique. En tout cas, je suis content que ma fille commence à parler comme un Kiwi.