INTERVIEW DE ELIJAH WOOD

(Traduction Tsoo'Dzil)




Frodon parle: Une interview exclusive avec Elijah Wood

par John Forde
1er février 2000
 

Frodon est soulagé. Elijah Wood, la star de 19 ans qui joue le rôle de Frodon Sacquet, le personnage principal de la saga "Le Seigneur des Anneaux" mis en scène par Peter Jackson, aurait fait n’importe quoi pour pouvoir parler de ce projet top-secret. Maintenant, il peut. Pendant une pause sur le site de Hobittebourg, dans sa première interview depuis que le tournage du film a commencé, Wood dévoile ce qu’il sait de Frodon, des autres vedettes qui jouent avec lui, des impératifs techniques de cette énorme trilogie, de ses gros pieds poilus et de ses oreilles pointues.

Question: Frodon s’engage dans un voyage démesuré tant au point de vue physique que psychologique... quelle est la partie de ce voyage que vous avez eu le plus envie d’explorer ?

Réponse: Je crois que Frodon possède une grande force, il est capable d’accepter sa quête et de la poursuivre jusqu’au bout, ce qui est très intéressant pour moi. Et tout ce qui lui arrive en cours de route m’intéresse également en tant qu’acteur, par exemple le fait que l’Anneau commence à prendre possession de lui, à affecter son esprit pour le perdre. Mais c’est une aventure incroyable à observer dans son ensemble.

Q: De nombreux personnages de Tolkien se trouvent à un moment ou un autre confrontés à leur côté obscur, ils doivent choisir entre endosser le pouvoir diabolique de l’Anneau ou lui résister. A quoi est-ce que ça ressemble d’explorer le côté sombre de Frodon ?

R: Nous ne nous sommes pas beaucoup occupé de ça pour l’instant, parce qu’on en est toujours au premier film, qui est probablement le moins sombre des trois. Mais bon, bien sûr, j’en ai étudié quelques petits bouts, quand on a fait des scènes du troisième film, et j’ai trouvé ça très intéressant. En fait, son côté sombre est assez important, tellement important même qu’il n’est pas sûr qu’il s’agisse encore de Frodon, c’est un peu comme si c’était l’Anneau qui parlait. Et le côté obsessionnel inspiré par l’Anneau est aussi très intéressant. "Personne ne peut avoir l’Anneau, c’est le mien, donc restez à distance !" C’est presque inconscient.

Q: Donc vous voyez plutôt Frodon comme étant possédé par les forces du mal, plutôt que faisant consciemment le choix d’attaquer le pouvoir de l’Anneau ?

R: Oui, sans aucun doute. Il y a eu une décision consciente à prendre par rapport à l’Anneau, pour décider de le détruire, pour la sauvegarde des Terres-du-Milieu et de la Comté, mais il ne décide à aucun moment consciemment de se diriger vers les ténèbres. C’est simplement qu’au bout d’une certaine période, il est battu, son âme est vaincue, et il atteint une limite au-delà de laquelle il ne peut plus endosser l’Anneau, il est incapable de lui résister.

Q: Qu’est-ce que vous admirez chez Frodon ? ou que vous n’admirez pas ?

R: J’admire le fait qu’il soit d’une nature curieuse et tenace, qu’il veuille connaître le monde extérieure et y prendre part . Il apprend énormément avec Gandalf, il étudie la langue des elfes, et il essaie d’être quelqu’un qui a parcouru le monde. J’admire aussi le fait qu’à partir du moment où il a pris la décision d’accepter d’être le porteur de l’Anneau, il n’y a plus rien d’égoïste en lui, son seul but est l’amélioration de la vie dans les Terres-du-Milieu et la Comté. Et il décide d’assumer son voyage, sa quête, quelle qu’en soit l’issue, même s’il doit y laisser la vie. C’est une décision incroyablement courageuse et honorable. Il a une force spirituelle, et c’est ce que j’aime en lui. Il est très vivant, et plein d’entrain. Enfin, c’est un aspect de sa personnalité qu’on ne voit pas beaucoup, seulement pendant le début du premier film. Mais cette force d’esprit, cette lumière qui est en lui, est ce qui lui permet de tenir le coup.

Q: Et à propos de l’aspect physique de la production, les prothèses, le maquillage... ?

R: Effectivement, tous les matins je commence par environ 2 heures et demi de maquillage, ce qui veut dire qu’il faut se lever très tôt. En général on est réveillés vers 5 heures. Je pars vers le lieu du tournage et j’enfile mes pieds, ce qui prend à peu près une heure.

Q: Ils ont l'air confortable.

R: Oui, en fait, ils sont très confortables, heureusement, mais ça demande un certain temps pour les enfiler. Au début c'était marrant. Les pieds, les postiches, les oreilles. Mais au bout d'un certain temps, c'est du genre... ok, je pourrais très bien attaquer la matinée sans être obligé d'enfiler tout ça. Bon après, j'enfile les postiches (c'est la première que je porte ce genre de truc dans un film), puis les prothèses pour les oreilles, d'ailleurs elles sont parfaites, donc c'est assez cool. Et finalement on se sent comme un Hobbit. On passe vraiment la matinée à se faire transformer, et on a l'impression de ressortir tout neuf.

Q: Les Hobbits ressemblent aux humains, mais ils ne sont pas humains. Comment travaillez-vous un personnage qui n'est pas humain ?

R: Je n'ai jamais vraiment réfléchi à cette question en terme du genre "Qu'est-ce que je pourrais faire pour avoir l'air plus Hobbit ?" J'ai préféré une démarche consistant à se demander quels sont les caractéristiques de mon personnage, comment est-ce que je vais le représenter, et justement parce que ce personnage est le moins Hobbit de tous les autres. Ce n'est pas un proscrit, mais.. il suit son propre chemin. Son oncle est un mec assez étrange aussi par rapport au commun des gens de Hobittebourg, et tout le monde le regarde comme s'il était légèrement anormal, parce qu'il a déjà vécu pas mal d'aventures avant, il a pas mal voyagé et il est un peu fou. Mon personnage va un peu dans cette direction, parce qu'il est davantage intéressé par le parcours de Bilbon dans ses voyages, les choses qu'il a vues, les gens qu'il a rencontrés. Ce qui ne fait pas de ce personnage un Hobbit typique, standard.

Q: Et vous en tant qu'acteur, vous êtes dans quel genre de voyage ?

R: En tant qu'acteur, il y a tellement d'éléments différents et nouveaux pour moi... La longueur exceptionnelle du projet, le fait que le personnage puisse se développer durant trois films, prendre possession de ce personnage et le faire changer, évoluer, grandir. En général on ne dispose que de deux mois pour tourner un film et assoir le personnage, et en principe ça se fait en une séquence. Là nous avons trois films, tournés pratiquement l'un à la suite de l'autre, et donc je dois intégrer l'expérience du personnage et vivre avec lui pendant une longue période, ce qui est assez plaisant.

Q: Comment arrivez-vous à maintenir ce personnage au milieu de toutes les contraintes techniques ?

R: C'est assez facile à réaliser. Peter Jackson est toujours attentif et il sait exactement où on en est. En plus j'essaie de rester concentré sur les scènes.

Q: Comment c'est de travailler avec lui ?

R: Absolument extraordinaire. Je suis un de ses fans depuis longtemps. Je me souviens quand j'ai vu Heavenly Creatures, je suis tombé pratiquement amoureux de ce film, et c'est à partir de là que j'ai voulu travailler avec Peter Jackson. J'avais entendu parler du Seigneur des Anneaux environ un an avant de le lire, et l'idée de faire un film des histoires de Tolkien était séduisante. Mais quand j'ai su que Peter était impliqué dans le projet, je n'ai eu aucune hésitation.

Q: On dirait que Peter Jackson encourage beaucoup la collaboration ?

R: Un des meilleurs aspects du travail sur ce projet est que Peter Jackson et Frances Walsh (co-scénariste) sont vraiment très ouverts à toutes les suggestions. Nous avons fait des réunions au cours desquelles nous parlons des scènes et de la direction que doivent prendre les personnages. D'une certaine façon, c'est le film de tout le monde. Ils ont certainement leur propre vision, mais leur ouverture d'esprit rend notre expérience en tant qu'acteurs appréciable. Ce que nous pensons est écouté, et nous nous sentons impliqués dans le projet, autant qu'eux peuvent l'être.

Q: Vous avez l'air d'avoir de bonnes relations de travail avec les autres acteurs hobbits ? Parlez-nous un peu de ça.

R: Nous avons eu six semaines de préparation avant le film, et nous nous sommes donc sentis très proches les uns des autres assez rapidement, ce qui est super. A cette occasion, je me suis fait des amis pour la vie. Ce sont des gens merveilleux, et je trouve le casting parfait. Pendant le premier mois, on ne tournait que des trucs concernant les Hobbits, et donc c'était un peu comme si c'était un film uniquement sur les Hobbits. On était quatre Hobbits, toujours ensemble. Mais maintenant, on est séparés, et on travaille sur différentes parties du film, ce qui donne un sentiment étrange, dans la mesure où on avait passé beaucoup de temps ensemble au début, et ce qui n'est plus le cas maintenant.

Q: Est-ce que vous étiez un fan de Tolkien avant de commencer ce projet ?

R: Oui, mais bon, honnêtement, je n'avais pas lu le livre avant de commencer. J'avais lu "Le Hobbit" et après l'avoir terminé, j'avais immédiatement acheté "Le Seigneur des Anneaux" dans la foulée. Mais je n'avais jamais vraiment eu l'occasion de commencer la lecture. Donc, dès que j'ai été impliqué dans le film, j'ai lu le livre, juste pour être dans l'histoire. Et c'est intéressant parce que j'ai lu les trois scripts quand le tournage a démarré, et ensuite je suis revenu au livre.

Q: Quelles sont les différences entre le script et le roman ?

R: Et bien, évidemment, il y a le fait que le niveau des détails dans le bouquin est étonnant. J'ai trouvé que c'était très utile pour comprendre la manière dont le personnage fonctionne et pour saisir le sens profond de sa quête.

Q: Ca fait maintenant 4 mois que vous tournez en Nouvelle-Zélande ?

R: Oui, et c'est ma première interview sur le film. Réellement, ça n'a pas été possible de parler avec qui que ce soit de la presse jusque là, et donc maintenant que je suis en plein dedans, c'est cool de pouvoir le faire. J'attendais ce moment avec impatience.

Q: Est-ce que ça a été frustrant de rester dans cette confidentialité ?

R: Non, pas tant que ça. J'ai parlé du film avec des amis, mais sans vraiment révéler grand chose.

Q: C'est difficile d'être si loin de sa famille et ses amis ?

R: Je ne me sens pas si loin que ça de chez moi. Je sais que je le suis, mais en fait je me sens comme chez moi ici. C'est peu comme si Wellington était un deuxième foyer quand je ne suis plus à la maison. Je viens de me trouver une maison, alors que pendant un certain temps j'avais un appartement, et je me suis complètement investi dedans. Et j'ai aussi une deuxième famille ici, avec Dom et Billy et Sean, les autres acteurs, les gens de l'équipe technique, tout le monde quoi. Je me sens vraiment bien dans cet univers. Et la Nouvelle Zélande est un endroit super pour travailler, il y a une atmosphère constamment relax et agréable, donc, tout va bien....