RAPPORT SUR LA CONFERENCE DE PRESSE
DE PETER JACKSON DU 11 NOVEMBRE

(Traduction Greenleaf de Elostirion)

Le 12 novembre 2000
 

Peter Jackson, réalisateur du Seigneur des Anneaux, ainsi que douze membres de la distribution, ont fait face aux médias lors d'une conférence de presse donnée hier marquant le premier anniversaire de ce tournage épique, fêté un mois en retard et avec encore six semaines de tournage à faire avant le début de la postproduction.

Le premier film, La Communauté de l'Anneau, sortira à Noël l'an prochain; Les deux tours et Le retour du roi suivront en 2002 et 2003.

Voici ce que Jackson avait à dire...

Comment réussissez-vous à garder trois films en tête en même temps?

Je suis sur le point de devenir fou... je vais craquer bientôt. Nous envisageons cela comme une seule longue histoire. Évidemment, quel que soit le film que vous tournez, vous le tournez dans le désordre, et ce que nous avons fait ici, c'est tourner trois films complètement dans le désordre. Nous nous sommes concentrés à terminer le premier film d'abord, mais l'année passée, en fin de journée, nous tournions déjà des séquences pour les deux autres. C'est une seule grande histoire épique. Tripartite, elle possède un commencement, un milieu et une fin. L'une des choses vraiment uniques quand il s'agit de réaliser trois films à la fois, ce que personne n'a jamais fait auparavant, c'est que ça vous donne la chance de raconter l'histoire en trois parties, et qu'un jour vous pourrez la voir tout d'une traite. Ce sera grandiose, le jour où nous pourrons nous asseoir et visionner les trois films d'un seul coup.

Évidemment, en temps normal, les films, s'ils remportent un succès, ont une suite, et plus tard une autre. Ces suites ne forment pas un flot continu avec les volets précédents. Ici, nous avons la chance de raconter une seule grande histoire. C'est prescrit par le sujet. Si vous voulez faire Le Seigneur des Anneaux vous n'y arriverez pas en un film, alors les spectateurs seront conscients du fait qu'il ne verront pas l'histoire au complet dans le premier film. C'est l'histoire de Frodon Sacquet qui doit amener cet Anneau très loin pour le détruire, et je suis sûr que personne ne s'attendra à voir l'Anneau détruit à la fin du premier film. Mais nous avons structuré les films de façon à ce qu'ils se terminent par des fins convenables qui auront aussi un aspect suspense.

À quel point vous êtes-vous éloigné du texte original afin de leur donner cette forme?

Nous n'avons pas inventé des fins ou créé des suspenses qui n'étaient pas dans le livre. Les divisions des trois films coïncident raisonnablement avec celles des trois livres.

A-t-il été difficile d'adapter l'histoire pour en faire un scénario?

Ce fut très très difficile. Sa composition a commencé il y a deux ou trois ans et nous l'écrivons toujours. C'est un travail compliqué et c'est intéressant car en réécrivant, nous révisons. Nous aimons travailler de cette façon: essayer constamment d'améliorer le scénario avant et pendant le tournage. Et on se voit revenir toujours plus près du texte des livres. Au début, nous croyions que nous allions devoir changer beaucoup de choses, faire des modifications afin de transformer le livre en film, mais au fur et à mesure que nous avancions, nous avons commencé à connaître les livres dans les moindres détails, et je pense qu'il est juste d'affirmer que nous nous sommes rapprochés de plus en plus du texte original. Nous avons donc abandonné depuis longtemps une bonne part de nos idées présumées bonnes au départ, et la voix de Tolkien parlera clairement dans les films.

Y a-t-il quelque chose dans les livres que vous n'êtes pas arrivé à reproduire?

Les aspects psychologiques de l'histoire sont toujours difficiles à dramatiser. Un petit anneau qui contient un grand maléfice et la tension psychologique qu'il exerce sur les gens qui s'en approchent, c'est quelque chose qui repose entièrement sur le jeu des acteurs. En tant que réalisateur, je ne peux pas montrer le mal ni rendre visuellement ce que cet anneau fait, mais les acteurs peuvent le voir et ils l'ont fait incroyablement bien.

Les films ressemblent-ils à ce que vous vous étiez imaginé?

L'un des grands privilèges de faire ce film, c'est que vous avez grandi avec le livre et les personnages que vous imaginez dans votre esprit – de toute évidence, le livre peint une image très vivante des lieux où l'action se déroule – mais, tout spécialement cette année, il y a de ces moments qui me viennent quand je me tiens sur le plateau... Je vis un moment tranquille dans un coin en attendant qu'on prépare la caméra et il m'arrive de penser que je suis à Cul-de-Sac ou au Gouffre de Helm, et voici Aragorn et voilà Gandalf et Frodon. Il y a des instants où vous vous sentez transportés à l'intérieur du livre, et c'est ahurissant. Vous mettez la technologie de côté, c'est une expérience unique.

Chacun va partager le film quand il sortira, mais c'est un vrai privilège, pour nous qui y avons participé, de s'être tenu dans la même pièce que ces personnages, d'avoir marché à travers des portes et tourné des coins que personne ne verra dans le film. Il y a des bouts du Gouffre de Helm qui ne seront pas dans le film. Nous nous y sommes tous promenés: «Wow, ça c'est le Gouffre de Helm!» C'est une expérience très étrange.

C'est ce qui m'amuse le plus à faire ce film. J'essaie de le filmer exactement comme je l'imagine. Faire autre chose serait stupide. Je ne réussis pas toujours, pour différentes raisons. Quand j'imagine Cul-de-Sac, je dois expliquer ce que je vois aux artistes conceptuels. Parfois, leurs idées sont meilleures que les miennes, mais nous arrivons éventuellement à un résultat qui, dans mon esprit, est de toute façon l'ultime Cul-de-Sac, alors c'est moi le veinard. Je suis celui qui a la chance de mettre son fantasme sur l'écran.

Ces films ne sont pas un Seigneur des Anneaux officiel. Le Tolkien Estate ne s'en mêle pas. Le Professeur Tolkien est décédé. Ces films ne sont pas des films officiels, autorisés. Ils sont une interprétation, notre interprétation collective de ces personnages dans cette histoire.

Comment avez-vous fait face au regard scrutateur des fans et des spécialistes de Tolkien?

Nous avons eu de bonnes relations avec la plupart des gens. En fait, j'ai consulté quelques experts afin de m'aider à faire les films. Nous avons porté une attention particulière aux noms et aux langages. Nous avons essayé de bien faire les choses. Mais vous savez, au bout du compte, cela reste toujours une interprétation. Ce film ne peut pas être fait en comité. Même si vous êtes attentif aux idées de tous, vous devez éventuellement choisir ce que vous pressentez comme bon. Mais les gens nous ont appuyés. Je suppose qu'étant donné que les gens n'ont pas encore vu les films, il y aura un temps pour la controverse, et ce sera quand ils sortiront. Nous essayons de faire de notre mieux.

Avez-vous des cauchemars peuplés de Hobbits?

Chaque fois que je tourne un film, j'ai ce rêve récurrent où je suis sur le plateau et tout va horriblement mal. Je ne prends pas de repos. Peu importe le grand nombre d'heures que je travaille par jour, je rentre à la maison pour dormir en pensant me reposer... Mais toute la nuit, j'ai des problèmes sur le plateau. C'est un soulagement que d'arriver au travail où les problèmes sont un peu plus petits. C'est bizarre, ça me tourmente la nuit et pourtant j'ai beaucoup de plaisir pendant la journée.

Trois films, trois fois plus stressé?

C'est plus long, oui. Ces rêves, ils commencent quand le tournage débute et se terminent à la fin du tournage. Alors je les fais depuis un an, ces rêves...

Quelle est votre sentiment devant la réaction de la Nouvelle-Zélande, devenue l'hôte d'une si grande production? Sommes-nous devenus indifférents?

La Nouvelle-Zélande a été très positive. Tout le monde a été d'un grand support dans toutes les petites villes où nous sommes allés, même si nous étions rien de moins qu'une énorme armée envahissant leur ville. Je pense que tout le pays a été derrière nous au cours de cette expérience. C'est ce que j'ai ressenti.

Est-ce que les films dureront 120 minutes chacun?

Ah, mais non. Ils seront probablement un peu plus longs que ça. Évidemment, sans avoir monté quoi que ce soit pour l'instant c'est un peu difficile à dire. J'imagine que les trois films dureront de sept à huit heures au total.

Le tournage a-t-il pris du retard sur l'horaire?

Non, nous avions prévu terminer le 22 décembre et c'est dans six semaines. Nous donnons en plein dans le mille. Nous avons travaillé à faire des prises toute l'année, car évidemment avant que le travail à l'ordinateur ne puisse commencer, il faut du matériel. Nous avons monté le premier film et la postproduction est commencée. Le montage des deuxième et troisième films ne se fera pas avant l'an prochain. Nous aurons terminé la première partie afin de la sortir à la fin de l'année et les deux autres suivront à un an d'intervalle, et nous vivrons la situation bizarre d'avoir tout terminé, le troisième film remis à New Line, avant que le second ne soit sorti. Il y a donc deux ans de production et trois ans de sorties.

Mais d'ici là, la technologie informatique et les logiciels ne se seront-ils pas encore améliorés, et les gens ne s'attendront-ils pas à ce que les effets spéciaux deviennent de mieux en mieux au cours des trois ans?

Peut-être. Mais ça n'a pas vraiment de rapport avec les logiciels. Nous ne faisons que «raconter l'histoire de...», et donc je ne pense pas que la technologie soit importante. De toute façon, la technologie existante peut raconter l'histoire parfaitement bien. Nous n'avons pas à attendre qu'autre chose soit inventé avant de réaliser ce projet. Je crois que ce qui est vraiment excitant avec les effets par ordinateur, c'est dans la manière d'utiliser les logiciels. C'est dans la façon de concevoir les plans et dans le design des créatures. Si un monstre paraît bien, ce n'est pas parce que c'est un bon travail d'ordinateur mais parce que c'est un bon design, et donc je suis sûr que tout va être très bien.

Serez-vous nerveux quand viendra la sortie du premier film?

Probablement très nerveux. On l'est toujours. C'est comme si vous présentiez votre petit bébé sur la scène, en espérant que tout ce que vous avez pensé, tout ce que vous avez essayé d'accomplir sera apprécié par les gens. Vous espérez qu'ils vont piger. C'est la partie qui fait peur. Faire trois films à la fois est très bizarre, mais au moins il y a un film qui sort à la fin de l'année prochaine et là on entre en territoire connu. Mais nous étions sur le plateau aujourd'hui, Andy [Serkis], Sean [Astin], Elijah [Wood] et moi, et nous filmions une scène du troisième film. Et vous vous dites: «Personne ne verra ça avant trois ans et demi.» Les scènes que nous avons filmées aujourd'hui auront vieilli. Nous les aurons complètement oubliées. Ce sera grandiose.