ANECDOTE

(Traduction Tsoo'Dzil)

Le Seigneur des Anneaux, édition du millénaire, en anglais

"C'était en août, en 1952. Durant tout l'été il avait été très déprimé parce que "Le Seigneur des Anneaux", ce livre auquel il avait travaillé pendant quatorze ans, avait été refusé par tous les éditeurs, à tel point qu'il avait abandonné tout espoir de le voir imprimer un jour. Mais le fait que ces éditeurs aient tous retourné le manuscrit avait rendu possible pour ma femme, Moira, et moi-même d'avoir entre les mains le seul manuscrit original complet, et de faire partie, en compagnie de notre ami C.S. Lewis, des premiers admirateurs de Tolkien, de manière passionnément enthousiaste.

La question se posa alors de savoir comment retourner ce manuscrit à son auteur. Et puisqu'il était hors de question de faire confiance au service postal, je lui écrivis pour lui demander à quelle période il serait chez lui, à Oxford, pour que je puisse le lui apporter en personne. Sa réponse indiquait que non seulement il serait livré à lui-même pendant la seconde moitié du mois d'août, et même certainement dans la plus complète solitude. Pour cette raison, nous décidâmes de l'inviter à venir à Malvern pour récupérer le manuscrit, et à rester quelques jours avec nous.

Il était facile de le distraire pendant la journée. Tous les deux, nous nous promenions dans les collines de Malvern qu'il connaissait bien pour s'y être rendu dans son enfance à Birmingham, ou lorsqu'il séjournait dans la maison de son frère, sur l'autre rive de la vallée de la rivière Severn. Il vivait le livre au fur et mesure que nous marchions, comparant parfois certaines parties des collines par exemple aux Montagnes Blanches de Gondor. Ainsi, nous allâmes dans les Montagnes Noires aux frontières du Pays de Galles..... Nous pique-niquions de pain et de pommes et de fromages, on lavait les fruits avec de l'alcool de poire, de la bière ou du cidre. Lorsqu'il y avait des traces de pollution industrielle, il parlait d'orcs et "d'orquerie".......

Afin de le distraire le soir, j'exhumai un vieux magnétophone à bandes. Il n'en avait jamais vu avant, et il déclara de manière saugrenue qu'il devait d'abord conjurer tout démon qui pourrait s'y trouver en enregistrant une prière, le Notre Père en gothique, langue disparue qu'il maîtrisait parfaitement. Il était enchanté quand on lui repassait la bande et il demanda de pouvoir enregistrer quelques poèmes du "Seigneur des Anneaux" pour voir de quoi ils auraient l'air pour des auditeurs. Plus il enregistrait, plus il aimait cela, et plus sa confiance dans son talent littéraire regagnait du terrain. Lorsqu'il eut terminé les poèmes, l'un de nous lui dit: "Et si vous nous enregistriez la scènes des énigmes du 'Hobbit' ?" Et nous restâmes assis, envoûtés, pendant presque une heure et demie. Ensuite, je lui demandai d'enregistrer ce qu'il estimait être un des meilleurs passage en prose dans "Le Seigneur des Anneaux", et il enregistra une partie de 'La Chevauchée des Rohirrim". Après que nous ayions écouté cet extrait, je lui dis:
"Vous vous rendez certainement compte que ceci est excellent ?"
"Oui, répondit-il, c'est assez bon"

Cette machine m'avait rendu ma foi en lui. Mais que pouvais-je faire pour contribuer à la publication de ce livre ?" Je pensais alors à ce que j'aurais fait moi-même face à pareille difficulté.

"Est-ce qu'il n'y aurait pas un de vos anciens étudiants qui serait devenu éditeur, susceptible d'apprécier cet ouvrage, et qui éventuellement, prendrait le risque de le publier ?"

Après un silence, il répondit: "Il n'y a que Rayner Unwin".

"Alors envoyez-le à Rayner Unwin, personnellement."

Et c'est ce qu'il fit. Et le résultat fut que, rien que durant le reste de sa vie, plus de trois millions d'exemplaires furent vendus.

Quand il repartit à Oxford, Tolkien nous écrivit pour nous remercier de l'avoir accueilli, une lettre en elfique (elfe ?), et ce document est devenu mon bien le plus précieux......."
 

George Sayer
 
 
 

Cette traduction a été faite à partir d'extraits du texte original anglais figurant sur la pochette du CD Rom livré avec l'édition britannique* du Seigneur des Anneaux, dite Millenium Edition, et ce texte est protégé par un copyright © George Allen & Unwin (Publishers) Ltd 1954, 1955, 1966

* l'édition américaine ne contient pas de CD.

Couverture du CD