LE TALENTUEUX MR BEAN
par Rob Discroll

(Traduction Tsoo'Dzil)




WM MAG
6 novembre 2000
 
 

Il a plus souvent joué les méchants que les héros romantiques, et pourtant Sean Bean reste un fantasme pour des millions de femmes britanniques en adoration.

"Je ne suis jamais considéré comme un acteur romantique, vraiment...  Je ne me lève pas le matin en pensant : 'je me demande qui va me proposer un rôle romantique cette semaine' car j'ai joué très souvent des rôles de criminels."

Il ne semble pas non plus très inquiet d'entrer dans la quarantaine (il a eu 41 ans en avril dernier). "C'est seulement une étape différente dans ma vie" dit-il. "Quand vous êtes dans la tranche des vingt ans, vous vous efforcez d'être ce que vous voulez être. Quand vous atteignez la trentaine, vous vous sentez à l'aise, mais à la quarantaine vous commencez à voir les choses plus clairement. En ce qui concerne le travail, j'espère qu'on me fera toujours des propositions. Quand on voit Anthony Hopkins ou Sean Connery, l'âge n'a pas l'air d'être un problème pour eux."

Ainsi, être acteur n'a jamais réellement été la première option pour Sean Bean. Quand il était adolescent, il désirait secrètement jouer au foot-ball, et l'idéal aurait été de le faire dans on équipe favorite, Sheffield United. Il finit par être acteur relativement tard, environ à l'âge de 22 ans, et il n'avait même jamais essayé le théâtre à l'école.

"Il me semble que nous avons eu un prof de mime une fois, mais jamais de cours de théâtre." dit-il avec son inimitable accent du Yorkshire, un autre ingrédient de son sex-appeal naturel."

De nos jours les acteurs britanniques ne sont pas aussi posés que Sean Bean. Il est incontestablement une grande star, s'offrant le luxe de choisir parmi des pièces dramatiques de qualité pour la télévision (Sharpe, Lady Chatterley's Lover, Extremely Dangerous), des superproductions du grand écran (Golden Eye, Patriot Games, Ronin), et des films britanniques réalistes, aux budgets plus modestes (Essex Boys, son dernier film, dans lequel il joue le plus affreux des méchants).

Et pourtant Sean Bean reste résolument réaliste, les pieds sur terre, un mec qui se sent parfaitement à l'aise quand il retourne chez lui à Sheffield pour voir ses vieux copains. Lorsqu'il quitta l'école, il passa trois ans à dériver d'un job à l'autre pour finir par travailler avec son père dans un atelier de soudure.

"J'ai toujours été bon en dessin et en peinture, et c'est ça que je voulais vraiment faire" dit-il.

"Finalement, j'ai quitté mon père en disant 'je veux être un artiste' - ce qui est encore pire que de dire qu'on veut être acteur. J'ai fréquenté trois écoles artistiques, mais je ne pouvais pas le supporter. Il y en a une que j'ai quitté au moment du dîner, ça ne collait pas parce qu'aucun d'eux n'avait les mêmes idées que moi à propos de ce que l'art devait être. Il y en a une autre avec laquelle j'ai plus accroché parce qu'il y avait un cours secondaire de théâtre, et j'ai fini par donner la préférence aux cours de théâtre plutôt qu'aux cours d'art proprement dits. Là, je me sentais chez moi."

Il pose sa candidature à RADA (?), obtient une place, déménage au sud, et n'a plus jamais regardé en arrière. Aujourd'hui il vit au nord de Londres avec sa troisième femme, Abigail Cruttenden, qu'il a rencontrée lorsqu'il tournait Sharpe. (Sa première femme était une charmante adolescente, Debra, avec qui il a toujours des rapports amicaux, et la deuxième était l'actrice Melanie Hill, avec qui il n'a plus de relations. Toutes deux sont hors de portée pour la presse).

Avec Abigail, ils ont une petite fille de deux ans, Evie, et elles lui manquent terriblement lorsqu'il tourne à l'étranger (ce qu'il a dû récemment accepter pour tourner Le Seigneur des Anneaux en Nouvelle Zélande).

"J'ai toujours été loin de chez moi pendant quelques périodes de l'année - trois mois par ici, quatre par là - mais je m'y suis habitué et j'ai tendance à me concenter sur ce que je suis en train de faire, je le termine et je rentre à la maison."

"Parfois, si ça dure plus de trois mois, ça devient vraiment un long périple, je le sens et j'ai vraiment besoin de rentrer à la maison et de faire une pause. Nous devons jongler avec nos métiers d'acteurs pour que ça colle avec l'éducation d'Evie, bien qu'Abigail n'ait pas joué beaucoup ces derniers temps - son dernier rôle était Anna Karenine pour Channel 4. Habituellement, on s'organise pour que l'un ou l'autre travaille mais pas les deux en même temps. Je n'ai pas tellement travaillé l'année dernière, et il y avait des grandes périodes de libres entre chaque projet, ce que j'ai beaucoup apprécié."

Le Seigneur des Anneaux est un de ses plus gros films - l'adaptation tant attendue du roman culte de fantasy de Tolkien - dans lequel il joue le rôle de Boromir, "un Gondorien du pays de Gondor", comme il le dit lui-même.

"C'est un projet énorme et très ambitieux. Cela aura pris presque deux ans à tourner, et ce ne sera pas fini avant Noël. A la base, ce sont trois films à la suite les uns des autres, comme les trois livres, et ça ne sortira pas avant Noël 2001. Il y a de grands acteurs dans ce projet: Ian McKellen, Cate Blanchett, Ian Holm, Liv Tyler et Christopher Lee."

Peut-être lève-t-il le pied vis-à-vis du travail chaque fois qu'il le peut. L'année qu'il a passée loin des caméras était un heureux concours de circonstances entre ses choix et l'absence de propositions intéressantes.

"J'avais terminé les dernières séries de Sharpe et je voulais changer de tactique" concède-t-il. "J'avais des propositions identiques pour des projets similaires, et à ce moment là, ça ne me convenait pas, et j'ai donc choisi de ne rien faire du tout. Et ça tombait bien parce qu'Evie venait de naître. Mais tout à changé avec Essex Boys et Le Seigneur des Anneaux. Je sais que j'ai de la chance d'avoir une si grande variété de rôles."

Il n'y a pas beaucoup d'acteurs britanniques respectables qui auraient accepté le rôle de Jason Locke, personnage brutal, revendeur de drogue, frappant sa femme, dans Essex Boys. Mais Sean Bean semble de moins en moins préoccupé par son image à l'écran, et de plus en plus intéressé par le fait de prendre des risques.

"Avec Essex Boys, c'était le scénario - je ne pouvais pas refuser de faire quelque chose d'aussi fort. J'avais travaillé avec les producteurs et les scénaristes avant, sur Fools Gold, et j'avais bien aimé leurs méthodes de travail. J'ai trouvé le personnage de Jason Locke fascinant. Il est tout le temps en train de bouillir de jalousie, après avoir passé cinq ans en prison, il voit ses anciens copains avec leur maison de campagne et leurs BMW. Il est très amer, il a besoin de vengeance et il veut réclamer ce qu'il estime être sa véritable place dans la fraternité criminelle."

Locke est en proie à une violence démesurée. Comment Sean Bean a-t-il trouvé la colère nécessaire pour jouer un tel rôle ?

"Je n'avais pas travaillé depuis un an, ça m'avait mis suffisamment en colère" rit-il. "Je pense que tout le monde rencontre la colère à certains moments de sa vie. On ne peut pas oublier ce que c'est. Donc c'est juste une question d'arriver à le restituer. Je ne me pose pas de questions pour savoir d'où vient ma manière de jouer, je le fais et c'est tout."

Si Jason Locke est jaloux du succès de ses semblables, il y a certainement un ou deux vieux copains de Bean à Sheffield qui doivent être verts d'envie face à sa renommée et son succès.

"Qui sait ?" dit-il. "Peut-être, je ne les ai pas rencontrés moi-même, mais il est possible que certains d'entre eux aient ce sentiment. Cela ne m'empêchera pas de retourner à Sheffield, où je vais d'ailleurs assez souvent. De toutes façons, il y a toujours un élément de jalousie dans toutes les professions."

En ce qui concerne l'avenir, il aimerait continuer à jouer le plus longtemps possible.

"Peut-être j'aimerais faire quelque chose de plus léger, de plus humouristique."

Ne lui parlez surtout pas de Mr Bean ! Mais en tant que citoyen de Sheffield, peut-être The Full Monty aurait pu lui offrir un rôle comique idéal, et des millions d'admiratrices auraient probablement aimé le voir dans le plus simple appareil.

"Cela m'aurait plu de participer à ce film, mais je travaillais d'une part, et d'autre part je crois que leur casting était déjà décidé, et je n'ai pas été contacté."

"J'aimerais bien jouer Macbeth. Je vois tout le monde autour de moi le faire. Je l'ai lu quand j'étais un enfant, et j'ai toujours voulu le jouer depuis. Ce qui m'attire chez ce personnage, c'est son côté obscur, sa nature guerrière, la jalousie, l'intrigue."

Mr Bean n'est donc pas du genre à se reposer sur ses acquis.